Treize raisons, Jay ASHER

Couverture de Treize raisons, Jay ASHER

En rentrant chez lui, Clay découvre une étrange boîte. À l’intérieur, sept cassettes. Dès la première écoute, Clay reconnaît la voix d’Hannah. Cette dernière s’est suicidée il y a quelques jours et semblent vouloir livrer sa version de l’histoire et les évènements qui l’ont poussée à l’acte ultime.

Treize personnes concernées, treize raisons de se donner la mort. À quelle place Clay se trouve ?

Comme beaucoup, j’ai succombé au phénomène « 13 Reasons why ». Mais à défaut de me plonger dans la série Netflix, j’ai préféré m’offrir une nouvelle lecture, celle du roman d’origine, écrit par J. ASHER.

Un concept cinq étoiles

Rien qu’à la lecture du synopsis, je comprends l’engouement pour cette histoire. Une jeune adolescente qui se suicide et qui laisse 7 cassettes pour justifier son acte et montrer du doigt ceux qui l’ont poussée à l’acte : c’est du jamais vu. Quel dommage que Mister ASHER soit tombé dans les facilités et les pièges de sa propre intrigue

De gros GROS défauts

Défaut n°1 : la narration

Le récit repose sur une double narration : la  » voix off  » d’Hannah et les réactions de Clay (qui écoute les cassettes). L’idée n’est pas mauvaise mais catastrophique dans la mise en oeuvre. L’histoire d’Hannah est sans cesse entrecoupée des commentaires – souvent futiles et hors sujet – de Clay. On s’y perd et on finit par ne plus savoir qui parle.

Ces interventions de Clay sont un vrai point noir car elles racontent souvent, avec un peu trop d’avance, des parties du récit dont on ne sait rien. L’auteur se veut mystérieux, veut attiser la curiosité du lecteur en laissant sous-entendre d’autres évènements atroces à venir… mais il ne réussit en réalité qu’à nous frustrer et à nous perdre plus encore.

Défaut n°2 : le style

Je ne vais pas m’étaler sur le sujet, ça n’en vaut franchement pas la peine. L’écriture (ou la traduction) n’est pas exceptionnelle et se révèle même maladroite par moment. Je me suis parfois demandé si le livre avait été écrit par un adolescent. Les descriptions manquent de finesse, les psychologies de profondeur. En bref, ce que nous raconte l’auteur semble vide de sens et un peu trop léger pour une thématique aussi sensible.

Défaut n°3 : vouloir en faire trop

Treize raisons n’est pas un gros pavé, il n’atteint même pas les 300 pages. Pourtant, vous y trouverez une foule de personnages, de souvenirs, d’histoires, d’anecdotes… mais trop, c’est trop. Alors que la narration nous entoure d’un brouillard épais, cette accumulation d’intervenants et d’interventions ne fait qu’ajouter à mon incompréhension.

Défaut n°4 : le rôle de Clay

N’ayez crainte, je ne vous spoilerai pas. Toujours est-il qu’aujourd’hui encore, je ne parviens pas à comprendre la place de Clay dans toute cette histoire. Je pense même que la façon de traiter la chose pénalise l’intérêt du roman, le rend plus mielleux, moins dur. Sans entrer dans les détails, Clay ne devrait pas faire partie de la liste et l’auteur montre ici, je trouve, son incapacité à assumer pleinement son récit.

Défaut n°5 : Hannah

Je ne tiens pas à lancer un débat sur le suicide. Est-ce bien ou mal ? Quels actes peuvent justifier ou non de mettre un terme à sa vie ? Toutes ces questions resteront au placard si vous voulez bien. Ce n’est pas le sujet.

En revanche, l‘attitude d’Hannah me laisse perplexe. Je ne la comprends pas et ne l’ai jamais comprise. En plus d’être immature et antipathique, je l’ai trouvé parfaitement égoïste. Non pas sur son acte, mais sur ses « justifications ». Pour moi, il n’y en a pas.

Là encore, je pense que le manque de travail sur la psychologie des personnages et sur leur histoire est un vrai problème. Au final, que sait-on d’Hannah ? Rien. Rien de son passé, de ses relations avec ses familles, etc. Et voilà que cette inconnue nous livre en vrac son ressentiment à propos d’une poignée de lycéens puérils.

Attention, je ne minimise pas les évènements qu’elle a vécu, mais n’a-t-elle pas elle-même joué avec le feu ? N’est-elle pas rentrée dans le jeu de certains ? A-t-elle cherché à se sortir de ces situations délicates ? A-t-elle même cherché à lancer un quelconque appel au secours ? Je l’ai au contraire sentie plutôt passive, comme prête à se chercher des excuses.

À aucun moment, elle ne prend du recul sur sa situation et jamais elle ne se remet en question. Les autres, tout est toujours la faute des autres. Elle est une victime et il faut la considérer comme telle.

L’adolescence est une période complexe. Tout nous bouleverse de manière bien plus intense, il est plus difficile de faire le tri dans les émotions et les actes sont souvent exagérés. Mais c’est aussi l’âge où les rencontres que nous faisons nous forgent. Les déceptions, les humiliations, les disputes, toutes ces choses nous permettent de mieux comprendre comment le monde fonctionne et de faire tomber les illusions de l’enfance. Ce n’est pas glorieux, c’est souvent douloureux, mais c’est comme ça. Et Hannah n’a pas l’air de le comprendre, elle en tire des conclusions hâtives et précipitées. Elle ne prend conseil auprès de personne, ne cherche pas à se confier mais avance – seule – vers une triste destinée. Volontairement semble-t-il.

Je crois que le pire dans toute cette histoire reste l’indélicatesse et l’indifférence avec lesquelles Hannah considère d’autres camarades, certainement bien plus fragilisées qu’elle par des évènements hautement plus dramatiques. Au regard de tout ce je venais de lire, je trouvais ça presque insultant de jouer les proies vulnérables.

Bref, vous l’aurez compris. Voilà une véritable déception. Je laisse à chacun le loisir de découvrir ce roman et de s’en faire son opinion.

 


Treize raisons, Jay ASHER
Aux Éditions Albin Michel

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